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Jeune Public

Le Panthéon d'Alex Vizorek

Du 12 au 15 mars

Toulouse
ThéâtredelaCité

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Alex Vizorek aurait pu être banquier ou journaliste ; il a choisi la comédie. Depuis ses premiers succès, on le voit partout – en one-man-show, à la radio, au cinéma, en librairie (L’histoire du suppositoire qui voulait échapper à sa destinée) ou au concert, où il accompagne de textes facétieux Le Carnaval des animaux (Camille Saint-Saëns, 1886).

Fables, Jean de La Fontaine (1668-1693)
C’est le plus grand humoriste francophone, le premier sans doute à critiquer avec intelligence, talent et poésie les mœurs de son temps, tout en rendant ça joyeux. C’est très proche de la caricature et donc fatalement de mon métier. Je l’ai découvert en tant que gosse. On vous apprend Le Corbeau et le Renard. Au fond, vous ne comprenez pas toujours bien, parce que c’est compliqué. Je crois qu’il y a des fables un peu pour toutes les générations, mais parfois on vous fourgue un peu tout d’un coup. Encore aujourd’hui, quand on s’y replonge, on a de joyeuses choses à découvrir.

Le Cid, Pierre Corneille (1637)
Je lisais ça dans le bus 60 à Bruxelles, une lecture obligatoire de l’école. Ni la couverture, ni le nom de Corneille, ni les premières lignes ne vous transcendent en tant que gamin. Et en fait, on découvre la fluidité de l’alexandrin et on se prend au jeu parce que, évidemment, c’est brillant. Mais maintenant j’assume : j’aime pas trop lire. On n’ose pas le dire en France, il faut aimer la lecture. Je lis trop peu, ça, je me le reproche en revanche. Parce que je n’ai pas le temps, et que le temps que vous passez à lire, c’est du temps que vous ne passez pas à écrire. Évidemment que je ne compte pas faire une œuvre aussi grande que celle de Corneille, mais quand j’ai trois heures devant moi, je les passe beaucoup plus souvent à écrire. Aujourd’hui quand je reçois des livres, je les range. Et j’en sors trois par été. Et parfois, c’est pas de chance, parce que sur les trois de l’année, il y a des trucs très mauvais.

De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, Werner Holzwarth & Wolf Erlbruch (1999)
Un livre cultissime, qui m’a inspiré l’envie d’écrire mes histoires de suppositoire. Je l’ai découvert tard, vers 30 ans, ça devait traîner chez mon neveu. C’est d’autant plus rigolo que j’ai vraiment ri en tant qu’adulte. Ça m’a convaincu dans l’idée qu’il fallait écrire des livres pour enfants où les adultes ne s’ennuient pas. Pour moi, il est important que les gens aient un rapport au second degré ; et ce genre de bouquin, qui apprend aux enfants à rigoler, est important.

Le Schtroumpfissime, Peyo (1965)
Souvent on néglige l’importance des premiers Schtroumpfs. Après, c’est devenu une industrie, il y a eu des films, des petits bonshommes, ils étaient dessinés sur les verres de moutarde… Mais au départ, c’est vraiment une critique assez juste et assez forte de la vie en société. Le Schtroumpfissime, c’est l’histoire du Grand Schtroumpf qui s’en va et dit aux autres « démerdez-vous le temps que je revienne ». Il donne le pouvoir à des gens qui ne savent pas le gérer et il y en a un qui y prend goût, achète des voix, promet des choses qu’il ne fera pas une fois élu… C’est une métaphore fantastique de la Ve République, et de pas mal de systèmes politiques.

La Cantatrice chauve, Eugène Ionesco (1950)
Dans La Cantatrice chauve, il y a des scènes d’une drôlerie qui tiennent parfois du sketch, mais avec la virtuosité d’un grand écrivain de théâtre. Tous les gamins de 20 ans n’ont pas lu Ionesco. Quand je suis arrivé à Paris, on m’a dit « à la Huchette, on joue Ionesco » ; j’ai pensé que ça m’éviterait de le lire ! Je verrai deux pièces coup sur coup, et comme ça je saurais de quoi il en ressort. Parce que je trouve ça très beau une culture littéraire, ne me comprenez pas mal !

Monique s’évade, Édouard Louis (2024)
Lui, quand il sort un livre je l’achète. Je crois qu’il n’y en a qu’un comme ça. À chaque livre, c’est assez juste, et ça me touche. Pourtant je n’ai pas le même grand écart que lui entre ma naissance et le milieu culturel dans lequel je vis. Des deux côtés : je ne viens pas de ce qu’il décrit parfois comme étant une forme de quart-monde, et en même temps je ne suis pas aussi pointu qu’il l’est lui aujourd’hui, je ne traîne pas dans les mêmes hautes sphères intellectuelles que lui. Mais je trouve ça assez touchant, la façon dont il veut montrer à sa mère qu’il est une référence intellectuelle aujourd’hui, alors qu’elle l’a soutenue et que son père ne comprenait pas.

Eugénie Grandet, Honoré de Balzac (1834)
Dans nos métiers d’humoriste, l’idée de comprendre les sentiments humains, ce qui nous relie, et de pouvoir en rire, est importante. La façon très pointue avec laquelle Balzac observe ça est toujours inspirante. Je crois qu’il avait dit que si on l’avait enfermé dans une cave à neuf ans, il aurait quand même écrit La Comédie humaine, parce qu’il avait tout compris des relations entre les gens. En tant qu’enfant, on est fasciné par l’histoire, mais on trouve qu’elle est longue. On nous jette des pavés entre les mains, mais on n’a pas la finesse d’observation du Balzac de neuf ans, donc on trouve ça un peu pénible. C’est un souci, parce qu’en même temps, si on ne vous les met pas là, peut-être bien que vous ne les lirez jamais.

Ivanov, Anton Tchekhov (1887)
Évidemment, Tchekhov ! J’aurais pu choisir Shakespeare, parce que c’est quand même pas mal ; j’aime bien quand les auteurs sont aussi forts en comédie qu’en tragédie. Quand je suis arrivé au cours Florent, j’ai demandé ce qu’il faudrait que j’aie lu. La prof, gentiment, m’a fait une liste de 35 pièces de théâtre, qu’il était quand même de bon ton d’avoir lues. Il y en a que j’ai abandonnées. Claudel, par exemple, une pièce m’a suffi pour savoir que j’étais sans doute loin de la poésie claudélienne. Tchekhov, j’ai tout de suite matché. La première, ça devait être La Mouette. Et en même temps, j’ai été très surpris quand j’ai lu les comédies, parce que je me suis dit : « Cet homme qui nous écrit des trucs à la larmichette peut tout à fait être drôle. » La Mouette, c’est bien, mais c’est un peu comme L’Aigle noir de Barbara. Si on ne connaît Barbara que par ça, on n’a rien compris à Barbara.

Propos recueillis par Sarah Jourdren

Photo : Gilles Coulon

Publié par Rédaction de Ramdam


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