Expos
Jean-Michel Othoniel : "Réparer le vide"
Depuis plus de 30 ans, Jean-Michel Othoniel dépose ses sculptures dans les villes du monde, guidé par une attention précise à l’histoire des lieux qu’il répare et embellit. Avec trois commandes publiques en cours et à venir à Toulouse, Montauban et Sète, il épingle l’Occitanie sur la carte de son territoire artistique.
Le 29 novembre sera inaugurée à Toulouse la rosace de la basilique Saint-Sernin. Quels étaient les grands défis du projet ?
Faire dialoguer cet édifice exceptionnel, l’un des plus beaux de l’art roman, avec une vision contemporaine. Imaginer une œuvre qui résonne de manière universelle avec la dimension sacrée du lieu. Depuis des siècles, cette rosace manquante est comme une blessure sur la façade de la basilique. Pour réparer ce vide, j’ai imaginé une surface vibrante, diaphane. Avec plus de 5000 pièces assemblées, le travail du maître verrier a été poussé à son maximum, tout en tenant compte d’une contrainte majeure : protéger l’orgue situé juste derrière de la lumière et de la chaleur.
A Sète, la commande était de nature différente puisqu’elle s’inscrivait dans le réaménagement global de la place Victor Hugo. Comment avez-vous abordé cette demande en forme de page blanche ?
Sète est une ville que j’adore. Ici, les traditions liées à la mer sont ancrées dans le quotidien des habitants, ça n’est pas du folklore. Je me suis inspiré de la fête de la Saint-Pierre, en particulier des fleurs rouges que l’on jette en mer en hommage aux marins disparus. J’ai fait appel à un atelier de céramique barcelonais pour réaliser une grande fontaine aux motifs abstraits, inaugurée en 2023. Lorsque j’ai su que les bains-douches municipaux, juste en face, allaient être fermés, j’ai aussi proposé de réaliser une installation à l’intérieur. Elle sera inaugurée en 2025 et le bâtiment transformé en espace culturel.
Au musée Ingres Bourdelle à Montauban, vous signez une spectaculaire installation en briques de verre noir, d’une grande force visuelle. La charge historique du lieu semble vous avoir inspiré…
Dans cette ville qui est comme un bijou par son harmonie architecturale, la salle du Prince Noir, vestige de l’occupation anglaise au XIVe, renvoie à un épisode sombre de l’Histoire. Située au sous-sol du musée, elle dégage une énergie assez angoissante. J’ai réfléchi comme un homéopathe : comment une œuvre pourrait panser les blessures du passé plutôt que les nier, comment utiliser cette énergie pour faire naître un sentiment de merveilleux ? Cette installation est un projet fou, compte tenu des contraintes d’accès notamment, qui m’a aussi fait avancer, car j’ai utilisé des techniques que je n’avais jamais mises en œuvre.
Pour la plupart de vos projets, vous conceptualisez l’œuvre, puis vous confiez sa réalisation à d’autres, plus qualifiés. Le geste a-t-il toujours une place dans votre pratique ?
J’ai longtemps travaillé seul dans l’atelier, je réalisais des choses petites, à mon échelle. J’ai eu envie d’aller plus loin. J’ai commencé par faire appel à des verriers, puis cette façon d’opérer m’a ouvert à d’autres savoir-faire. Aujourd’hui, je suis comme un chef d’orchestre, j’ai une très bonne connaissance des techniques mises en œuvre mais je préfère m’associer avec les meilleurs virtuoses. Chaque projet commence par une aquarelle, je l’exécute seul, c’est mon rapport intime à l’œuvre. Je suis toujours présent au moment de la réalisation, j’ai besoin de la sensualité du matériau. Je n’ai pas soufflé le verre et pourtant j’ai l’impression d’avoir tenu la canne. Propos recueillis par Maëva Robert
La rosace de la basilique Saint-Sernin sera dévoilée le samedi 30 novembre
Photos : Daniel Infanger for Othoniel Studio
Publié par Rédaction de Ramdam
musée Ingres Bourdelle, Montauban
19 Rue de l'Hôte de Ville
82000 Montauban
Tél : 0563221291