Classique
Bruno Mantovani, voyage d'automne
Le Capitole s’offre une création mondiale signée du compositeur Bruno Mantovani, qui s’empare de l’ouvrage du journaliste François Dufay, Le Voyage d’automne : en 1941, cinq écrivains français partent à la découverte de l’Allemagne à l’invitation du régime nazi. De cette histoire vraie, Mantovani extrait tous les ingrédients d’un bon opéra : trahisons, tourments et passions interdites.
Pourquoi avoir choisi cette histoire ?
Quand j’ai pris le livre de François Dufay, je n’avais aucune velléité d’écriture d’opéra a priori. Et c’est en le lisant que je me suis dit : « Mais mon dieu ! Il y a vraiment tous les ingrédients pour faire du bon théâtre musical. » Cette histoire contient tous les archétypes narratifs : le collabo antisémite, le collabo méchant, le collabo un-peu-antiallemand, le collabo par passivité… en fait, vous pouvez tous leur coller une petite étiquette !
Comment avez-vous composé avec la distribution exclusivement masculine de cette histoire ?
Plus que le huis clos des voix masculines, ce qui me dérangeait c’était d’avoir huit salopards sur scène en permanence. Écrire pour huit voix d’hommes, ça ouvre plein de perspectives, surtout quand on passe de la basse à la haute-contre. Être en permanence avec des types pas très recommandables, c’était plus compliqué. J’ai introduit un rôle féminin, hors action : une Songeuse, du titre d’un poème de Gertrud Kolmar qui a été assassinée à Auschwitz. J’avais besoin de ça pour sortir de cet enfermement avec ces personnalités, et pour mettre à distance ce qu’ils représentent.
Quelle place a le texte dans cette histoire d’écrivains ?
La rencontre avec Dorian [Astor, le librettiste, N.D.L.R.] a été tout à fait explosive. Il fallait quelqu’un qui puisse, dans la rédaction de phrases qui vont être chantées, retrouver le ton de chacun d’entre eux. J’ai essayé d’avoir une prosodie naturelle, proche du parler, assez rapide. Ce sont en effet des hommes de mots, et il ne faut pas oublier qu’ils sont morts il n’y a pas si longtemps que ça. On a des enregistrements d’eux. Il ne s’agit pas de faire une transcription, mais ça peut inspirer quelque chose.
Et l’orchestre ?
Ah l’orchestre, c’est mon chez-moi ! C’est un vrai personnage. Il y a énormément de moments musicaux sans texte. J’ai eu beaucoup de mal à commencer l’opéra. J’écrivais un début, puis un autre, et encore un autre. Et finalement, j’ai écrit des espèces d’interludes d’orchestre, inspirés par le climat général, et c’est ce qui a déverrouillé le reste.
Propos recueillis par Sarah Jourdren.
Photo : Caroline Doutre
Publié par Rédaction de Ramdam